Chine : un projet d’immeuble végétalisé tourne mal

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Dernière mise à jour le : 29 décembre 2020 par Rénovation et travaux

Apporter de la verdure au cœur des villes est un enjeu de plus en plus d’actualité. Nombre de citoyens aspirent à se réapproprier la nature, parfois au cœur même de leurs habitations. L’architecture urbaine se doit donc d’intégrer ce besoin de plantes et d’oxygène au centre même des villes. Au centre de la Chine, des habitants semblent avoir au contraire fait les frais de bâtiments végétalisés conçus dans la précipitation. Petite étude de cas du fiasco des immeubles végétalisés de Qiyi City.

Qiyi City : un projet de paradis écologique

La végétalisation des immeubles fait de plus en plus partie des projets architecturaux à la mode. L’idée est d’intégrer directement la végétation au cœur des villes, pour créer de véritables poumons de verdure, et éviter une “jungle urbaine“. La végétalisation des immeubles permet notamment d’absorber le CO2 et de réduire la pollution, tout en apaisant l’esprit des citadines.

Mais la végétalisation des immeubles ne se fait pas sans certaines précautions. À environ 10 heures de vol de Paris, des locataires qui avaient succombé pour un projet de “paradis écologique” ont quant à eux rapidement déchanté.

Bienvenue dans la Chine intérieure, en l’occurrence dans la ville de Chengdu, capitale de la province du Sichuan. Dans cette cité peuplée de plus de 18 millions d’habitants, un ambitieux projet de cité forestière a vu le jour. Son nom ? Qiyi City.

Au programme : un complexe de huit immeubles vétégalisés expérimentaux bâti en 2018, dont les 826 appartements ont tous été vendus. Ce “paradis écologique” (comme disait le brochure) avait de quoi faire rêver. Profiter d’un véritable écrin de verdure en pleine ville est un luxe dont beaucoup aimeraient profiter. Mais le projet de Qiyi City n’a pas forcément rencontré le succès escompté, bien au contraire…

Les résidents se sont-ils aisément familiarisés au “Jardin forestier de Qiyi” ? Cette végétation très dense n’a-t-elle pas des conséquences sur le cadre de vie ? Est-ce que des appartements y sont encore proposés à la location ?

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Concept de la ville forestière de Qiyi © Chengdu Qiyi Real Estate Co., Ltd.

Quand un projet d’immeuble végétalisé tourne mal

La ville de Chengdu a toujours voulu s’imposer comme une ville verte, et la ville forestière de Qiyi entrait parfaitement dans cette vision qui mêle urbanisme et végétation. Néanmoins, créer un tel complexe d’immeuble végétalisé est un véritable enjeu technique, doublé de nombreux challenge.

Le principal souci de la ville forestière ? Les moustiques ! Avant même que les propriétaires des appartements aient pu emménager, de nombreux moustiques se sont fait un plaisir de prendre place dans la cité forestière… faisant fuir de nombreux habitants potentiels !

Pourtant, Qiyi City n’est pas le seul projet de complexe végétalisé. Est-ce le climat chinois qui a rendu ce projet idéal pour la prolifération de moustique ? Pas forcément !

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La ville de Chengdu a toujours eu à cœur d’inviter la végétation au sein de la métropole.

Le regard d’un paysagiste sur le complexe

C’est en septembre 2020 que des journalistes locaux se sont intéressés au sort de la ville forestière. Ils sont allés à la rencontre des personnes qui ont posé leurs valises dans ce “paradis écologique” vanté par ses concepteurs. Des appartements apparaissent occupés, des lumières étant allumées à l’intérieur des habitations. En revanche, certaines terrasses recouvertes entièrement de végétation trahissent l’inoccupation de plusieurs autres logements.

Si les 826 appartements du complexe ont bien trouvé des acquéreurs, où sont donc les heureux propriétaire ? À l’automne 2020, on apprend d’après le quotidien local anglophone Global Times que seulement “une dizaine de familles ont emménagé dans le quartier”.

La prolifération des moustiques est clairement ce qui a chassé les habitants à en croire les premiers concernés, les locataires suffisamment courageux pour habiter le complexe, et qui ont répondu aux journalistes.

Vue rapprochée de la ville forestière de Qiyi

Les raisons de l’échec de Qiyi City

L’architecte paysagiste Daryl Beyers, interrogé par le média Curbed, spécialisé dans l’immobilier et le design urbain, pointe la conception de cette construction, qui n’a sans doute pas favorisé un bon entretien.

Il soupçonne notamment la problématique de balcons “mal drainés”, conduisant à la stagnation de l’eau et attirant par conséquent les populations de moustiques. Les plantes de ces immeubles végétalisés sont situés dans des bacs mal drainés, qui facilitent grandement la prolifération des moustiques.

Par ailleurs, ces mêmes plantes ont poussé bien plus que de raison, offrant à la population des moustiques toute l’ombre dont ils ont besoin pour se développer.

Comment sauver la ville forestière de Chengdu ?

Quelles solutions pour y remédier ? D’une part, améliorer le drainage pour éviter les eaux stagnantes. D’autre part, faire “pousser des plantes naines”, dont la croissance est plus maîtrisée, ou laisser les résidents choisir les végétaux de leurs espaces extérieurs.

D’après Daryl Beyers, il serait nécessaire de faire intervenir un jardinier une fois par semaine pour l’entretien de cette végétation. C’est un élément d’autant plus important que la majeure partie des immeubles de la ville forestière sont inoccupés. L’absence de précautions liées à l’entretien des plantes montre clairement que les architectes n’ont pas impliqué d’horticulteurs dans leur projet, ce qui s’avère pourtant indispensable pour n’importe quel immeuble végétalisé.

Le climat relativement humide de cette mégalopole et les saisons de mousson constituent un terrain propice à l’installation des moustiques. Outre l’inconfort qu’ils induisent, rappelons que ces insectes peuvent être des vecteurs de maladies infectieuses, dont la Dengue. Il n’est donc pas étonnant de voir que la cité forestière de Qiyi n’attire pas les foules.

La question est encore de savoir si ses concepteurs sauront régler le problème, et ne pas faire de ce projet initialement prometteur un immense gâchis.